Thomas Preat & Pierre-Yves Plaçais - Énergie & Mémoire

Les contraintes liées à l’efficacité énergétique tout au long de l’évolution ont donné naissance à des réseaux hautement conservés de voies métaboliques qui sous-tendent le fonctionnement de toutes les cellules eucaryotes. Les cellules cérébrales, les neurones et les cellules gliales ne font pas exception à cette règle, et des travaux pionniers, dont les nôtres, soulignent que les régulations métaboliques jouent un rôle clé dans la physiologie cellulaire du cerveau, la plasticité neuronale, et les comportements qui en résultent.
Notre équipe Énergie & Mémoire s’intéresse de manière globale à l’interaction encore peu explorée entre le métabolisme énergétique et la formation de la mémoire. Nous utilisons Drosophila melanogaster comme espèce de travail, en tirant parti à la fois de la panoplie unique d’outils analytiques basés sur la génétique et des connaissances approfondies des circuits neuronaux sous-jacents à la mémoire associative olfactive, acquises grâce à des décennies de recherche. Nous pouvons ainsi combiner une manipulation et une mesure in vivo précise des voies biochimiques d’une manière cellule-spécifique en relation avec le comportement. Nos approches combinent la neurogénétique, l’analyse du comportement et l’imagerie cérébrale in vivo à l’aide de sondes fluorescentes encodées génétiquement.

Analyse intégrée de l’interaction entre mémoire et métabolisme énergétique
Grâce à notre approche intégrée, nous avons mis au jour différents schémas d’activation des voies métaboliques induits par l’apprentissage entre les corps pédonculés, le centre cérébral qui encode la mémoire olfactive chez la drosophile. Aborder ces questions dans le cerveau « simple » de la drosophile est un moyen efficace de découvrir des mécanismes fondamentaux nouveaux et inattendus afin de générer des hypothèses vérifiables chez d’autres espèces. 
Nos recherches récentes et en cours explorent trois axes principaux :
 Les interactions métaboliques entre les neurones et les cellules gliales qui sous-tendent la formation de la mémoire
 La plasticité du réseau mitochondrial neuronal associée à la formation de la mémoire
 La régulation et la coordination du métabolisme cellulaire par les neuropeptides en fonction de l’état et de l’expérience

La perturbation de la signalisation H2O2, un nouveau cadre pour la maladie d’Alzheimer
Un autre objectif majeur de l’équipe est de contribuer à déchiffrer les troubles moléculaires et cellulaires à l’origine de la maladie d’Alzheimer (MA). Notre projet est motivé par le fait que la MA est liée à un défaut précoce du métabolisme énergétique cérébral ainsi qu’à l’accumulation d’espèces réactives de l’oxygène toxiques. La MA se caractérise par une phase asymptomatique très longue. La question clé est la suivante : comment le cerveau humain passe-t-il d’un état physiologique à un état pathologique plusieurs années avant que les troubles de la mémoire ne deviennent apparents ? Nous avons récemment découvert chez la drosophile une nouvelle voie de plasticité synaptique nécessaire à la formation de la mémoire à long terme. Cette voie implique des interactions entre les neurones et les astrocytes qui déclenchent l’oxydation transitoire de protéines de signalisation spécifiques. Ce mécanisme de plasticité, appelé ANHOS (Astrocyte-to-Neuron H₂O₂ Signaling), est soutenu par la fonction de liaison du cuivre de la protéine précurseur amyloïde. Nous avons démontré de manière frappante que l’ANHOS est inhibé par le petide amyloïde bêta 42 humaine, un facteur primaire de la MA. Sur la base de ces résultats, nous proposons un nouveau cadre pour étudier l’origine de la MA, qui serait liée à un manque d’espèces réactives de l’oxygène bénéfiques. L’un de nos objectifs est de suggérer de nouvelles pistes de traitement.

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